Méthode VSEPR
Gérard Dupuis
Lycée Faidherbe - LILLE



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Informations

Pour visualiser les molécules en 3D, votre navigateur doit être équipé du plug-in CHIME. Des formules de molécules sont proposées dans les exercices sous forme de liens hypertextes. Ces liens renvoient à une banque de données moléculaire où l'on pourra trouver d'autres exemples et les caractéristiques géométriques des molécules présentées sous forme de tableau.
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Introduction

La constitution d'une molécule est l'ensemble de ses atomes enchaînés les uns aux autres par des liaisons. On la schématise par la formule de Lewis dans laquelle les liaisons sont représentées par des tirets joignant les atomes et les doublets non liant par deux points (ou un tiret) sur le symbole de l'atome considéré.

La stéréochimie absolue d'une molécule est l'arrangement de ses atomes dans l'espace. De nombreuses propriétés physiques et chimiques sont la conséquence d'une stéréochimie particulière. Dans ce chapitre, on se propose d'étudier la stéréochimie des molécules et des ions polyatomiques. Nous traiterons le cas simple dans lequel on peut distinguer sans ambiguïté un atome central (noté A) et des atomes périphériques (notés X). Nous ferons l'hypothèse que l'atome central n'appartient pas à la famille des éléments de transition.

Résultats expérimentaux

Le dioxyde de soufre est très soluble dans l'eau. Le dioxyde de carbone l'est beaucoup moins. Cette différence de comportement à l'échelle macroscopique s'interprète à l'échelle microscopique par des stéréochimies différentes des molécules. Les molécules CO2 et SO2 possèdent chacune deux atomes d'oxygène lié à un atome central. Le spectre infrarouge de CO2 est en faveur d'une molécule linéaire tandis que celui de SO2 montre qu'elle a une forme coudée. Ainsi, le moment dipolaire de SO2 n'est pas nul ce qui lui permet d'interagir avec l'eau tandis que celui de CO2 est nul par compensation des moments dipolaires de liaisons.

CO2

SO2

De nombreuses méthodes physico-chimiques concourent pour déterminer la stéréochimie moléculaire : spectrographie des rayons X, diffraction électronique et neutronique, spectroscopies (UV, I.R, Raman, micro-ondes etc). La RMN et la RPE (pour les radicaux) permettent également d'obtenir des informations précieuses notamment dans le domaine de la dynamique moléculaire.

A l'heure actuelle on connait de façon très précise les distances interatomiques et les angles entre les liaisons de dizaines de milliers de molécules. Un des aspects importants de la stéréochimie consiste à expliquer et si possible à prévoir la stéréochimie d'une molécule donnée.

Principes de la méthode VSEPR

Origine
En 1957 le chimiste canadien R.J Gillespie (université Mc Master Hamilton, Ontario) reprenant une idée émise par les britanniques N. Sigdwick et H. Powell, a développé les règles de la théorie de répulsion des électrons de la couche de valence (VSEPR de valence shell electron pair repulsion). La méthode VSEPR peut être considérée comme le prolongement dans le domaine stéréochimique de la description de la liaison chimique par appariement électronique de G.N Lewis (1916).

Les électrons de la couche de valence de la plupart des molécules et des ions stables sont en nombre pair (il existe des molécules possèdant un nombre impair d'électrons comme NO2 mais cela reste assez rare). Le principe de Pauli (1920) nous indique que seuls les électrons possèdant des nombres quantiques de spin opposés évoluent dans une même région de l'espace car ils sont décrits par la même orbitale. Ces électrons peuvent être groupés par paires ou doublets.

Dans le modèle de Lewis, la liaison entre deux atomes est décrite par la mise en commun d'un doublet d'électrons : on l'appelle doublet liant. Les paires d'électrons non employées pour décrire les liaisons constituent les doublets non liants notés E.

Doublets

Liants

Non liants

Nombre

n

m

Principes de base
L'approximation de départ de la théorie consiste à assimiler les paires d'électrons à des charges électriques ponctuelles. Celles de la couche de valence évoluent à une distance comparable du noyau de l'atome. En première approximation, elles sont assujetties à se déplacer sur une sphère dont le centre est occupé par le noyau. L'arrangement géométrique qu'elles adoptent sur cette sphère est la conséquence de leur répulsion mutuelle.

Bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'une interaction électrostatique entre charges ponctuelles, car le comportement des électrons est régi par les lois de la mécanique quantique, on obtient un résultat correct en recherchant l'arrangement qui rend maximum les distances entre les paires d'électrons.

A ce premier niveau d'approximation, il n'y a pas de distinction à faire entre un doublet liant et un doublet non liant.

Dans ces conditions, l'arrangement qui minimise la répulsion des doublets dépend seulement de leur nombre : m + n. Cela correspond aux figures géométriques suivantes en se limitant à la coordination six.

m + n

Figure géométrique

2

Segment de droite

3

Triangle

4

Tétraèdre

5

Bipyramide trigonale

6

Octaèdre

A ces cinq types de figures géométriques, correspondent davantage d'arrangements des paires d'électrons que nous allons passer en revue. Dans ce qui suit X désigne un atome et E un doublet non liant.

En première approximation, les liaisons multiples sont traitées comme si elles ne faisaient intervenir qu'un seul doublet.

Nous prendrons des exemples de molécules avec des liaisons simples et des molécules avec des liaisons multiples.

Les différents arrangements des doublets

Arrangement linéaire

Le béryllium, élément de la seconde colonne de la classification périodique de configuration électronique [He] : 2s2, est lié par 2 liaisons simples à deux atomes de chlore dans la molécule BeCl2.

BeCl2

AX2

Molécules avec des liaisons multiples :

 

CO2

CS2

HCN

AX2

AX2

AX2

Exercice : dessiner les formules de Lewis des molécules suivantes puis vérifier leur appartenance à la famille indiquée et leur stéréochimie.

AX2

COS, C2H2

Arrangement triangulaire

On distingue deux familles :

Molécules avec des liaisons simples :

B

Sn

[He] 2s2 2p1

[Kr] 4d10 5s2 5p2

BCl3

SnCl2

AX3

AX2E

Molécules avec des liaisons multiples :

S

O

N

[Ne] 3s2 3p4

[He] 2s2 2p4

[He] 2s2 2p3

SO3

O3

NSF

AX3

AX2E

AX2E

Exercice : dessiner les formules de Lewis des molécules et des ions suivants puis vérifier leur appartenance à la famille indiquée et leur stéréochimie.

AX3

AX2E

BF3 , H2CO , COCl2 , C2H4 , (CO3)2-

SO2

Arrangement tétraédrique

On distingue trois familles :

 Molécules avec des liaisons simples :

Si

P

O

[Ne] 3s2 3p2

[Ne] 3s2 3p3

[He] 2s2 2p4

SiF4

PCl3

Cl2O

AX4

AX3E

AX2E2

Molécules avec des liaisons multiples :

P

S

[Ne] 3s2 3p1

[Ne] 3s2 3p4

POCl3

(SO4)2-

AX4

AX4

Exercice : dessiner les formules de Lewis des molécules et des ions suivants. Vérifier les familles auxquelles ils appartiennent et leur stéréochimie.

AX4

AX3E

AX2E2

CH4 , (NH4)+ , (S2O3)2-

NH3 , PH3 , (H3O)+

H2O , H2S , (NH2)-

Arrangement pentagonal

La figure géométrique la plus répandue et qui est la plus stable correspondant à cet arrangement est la bipyramide trigonale. Une complication apparaît ici du fait de la non équivalence des positions aux sommets de la bipyramide. On peut les classer en deux catégories : axiales (a) et équatoriales (e) :

Le problème peut être résolu en affinant les hypothèses de la méthode. A un deuxième niveau d'approximation les paires liantes et non- liantes sont traitées différemment : la position dans l'espace des électrons constituant un doublet liant est contrôlée par le champ exercé par les noyaux de deux atomes, celle des électrons d'un doublet non liant par un seul noyau, celui de l'atome central. Il est donc raisonnable d'admettre que le volume moyen dans lequel évolue les électrons d'un doublet non liant, est supérieur à celui dont disposent les électrons d'un doublet liant. Ces considérations simples permettent d'établir la hiérarchie suivante dans la répulsion entre les paires :

NL-NL (x) > NL-L (y) > L-L (z)

Un paramètre pratique pour évaluer l'ordre de grandeur de la répulsion entre les doublets, est l'angle au centre a formé par les directions entre ceux-ci et l'atome central. En utilisant ce paramètre, on peut comparer les énergies des deux arrangements (1) et (2) en décomptant les interactions sur la base des inégalités précédentes.

Tenons- compte seulement des interactions pour lesquelles a £ 90° les autres étant supposées négligeables.

Arrangement (1)

Arrangement (2)

le doublet E interagit avec 2 atomes X

le doublet E interagit avec 3 atomes X

Le premier arrangement est donc plus stable que le second. A cet arrangement correspond une catégorie de molécules qu'on peut appeler avec Gillespie molécules disphénoïdes et à laquelle appartient SF4. Expérimentalement, on ne connait pas de stéréoisomère de cette molécule.

Une étude du même type effectuée pour les autres arrangements a priori possibles en géométrie pentagonale, montre que les paires électroniques non liantes doivent occuper de façon préférentielle les positions équatoriales.

Molécules avec des liaisons simples :

P

S

Cl

I

[Ne] 3s2 3p3

[Ne] 3s2 3p4

[Ne] 3s2 3p5

[Kr] 4 d10 5s2 5p5

PCl5

SF4

ClF3

I3-

AX5

AX4E

AX3E

AX2E3

Molécules et ions avec des liaisons multiples :

S

I

[Ne] 3s2 3p4

[Kr] 4 d10 5s2 5p5

SOF4

IO2F2-

AX5

AX4E

Exercice : dessiner les formules de Lewis des molécules et des ions suivants. Vérifier les familles auxquelles ils appartiennent et leur stéréochimie.

AX5

AX4E

PF3Cl2 , XeO3F2

XeO2F2

Arrangement octaédrique

On distingue les familles suivantes :

Molécules avec des liaisons simples :

S

Br

I

[Ne] 3s2 3p4

[Kr] 3 d10 4s2 4p5

[Kr] 4 d10 5s2 5p5

SF6

BrF5

ICl4-

AX6

AX5E

AX4E2

Molécules avec des liaisons multiples :

I

Xe

[Kr] 4 d10 5s2 5p5

 [Kr] 4 d10 5s2 5p6

IOF5

XeOF4

AX6

AX5E

Effets du second ordre

Influence de la nature des doublets sur les angles entre les liaisons
On a déjà dit qu'à un deuxième niveau d'approximation, il est logique d'admettre que les doublets non liants, moins confinés dans l'espace internucléaire que les doublets liants, occupent un volume moyen plus élevé. On interprète ainsi la diminution progressive de l'angle entre les liaisons quand on passe de CH4 à NH3 puis H2O.

CH4

NH3

H2O

109,5°

107°

104,5°

On observe une évolution du même type pour les dérivés ioniques de l'ammoniac :

NH4+

NH3

NH2-

109,5°

107°

104°

Influence du volume des liaisons multiples
Comme on l'a vu, la forme géométrique globale ne dépend que des liaisons s. On peut donc classer les molécules possèdant des liaisons multiples dans les mêmes groupes que celles qui possèdent des liaisons simples. En revanche le volume occupé par les électrons dans l'espace croit avec l'ordre de liaison. On assiste donc à une fermeture de l'angle opposé à la liaison multiple.

Arrangement triangulaire

Dans les molécules de HCHO et de COCl2 représentées ci-dessous, l'angle entre les liaisons simples est inférieur à 120°.

HCHO

COCl2

115,8°

111,3°

Arrangement tétraédrique

On assiste à la fermeture de l'angle entre les liaisons simples au fur et à mesure que l'ordre de liaisons croit dans la série : SiF4, POF3, NSF3.

SiF4

POF3

NSF3

109,5°

102°

98°

Arrangement pentagonal

L'angle FOF est inférieur à 120° dans SOF4.

SOF4

110°

Influence de la différence d'électronégativité entre les atomes
Le volume occupé par les doublets liants décroît lorsque la différence d'électronégativité des atomes liés augmente. Drainés vers l'atome le plus électronégatif, les électrons de liaison davantage confinés dans l'espace internucléaire se repoussent moins. Pour un même atome central on observe une diminution de l'angle entre les liaisons avec l'accroissement de l'électronégativité de l'atome périphérique. L'évolution des angles dans la série : PI3, PBr3, PCl3, PF3 en témoigne.

PI3

PBr3

PCl3

PF3

102°

101,5°

100,3°

97,8°

Les molécules NH3, PH3, AsH3 ont chacune trois atomes d'hydrogène et des atomes centraux de moins en moins électronégatifs.

Elément

N

P

As

c (Pauling)

3,04

2,19

2,17

En passant de NH3 à PH3 puis AsH3, la mise en commun des électrons de liaison est de plus en plus importante et les doublets de liaisons occupent de moins en moins de place dans l'espace. On observe une diminution de l'angle au sommet de la pyramide.

NH3

PH3

AsH3

107°

93,83°

91,58°

Addition des effets de volume et d'électronégativité
Les effets décrits précédemment peuvent naturellement s'ajouter ou se compenser partiellement. Dans les molécules C2H4 et C2F2H2, les angles opposés à la double liaison sont inférieurs à 120° . On l'interprète de la façon suivante : le volume occupé par les électrons de la liaison double est supérieur à celui occupé par les électrons d'une liaison simple. Dans C2F2H2 cet est inférieur à celui observé dans C2H4 car les liaisons C-F fortement polarisées, occupent moins de place que les liaisons C-H.

C2H4

C2H2F2

118°

109°

Non équivalence des positions axiales et équatoriales en géométrie pentagonale
Comme on l'a déjà signalé, les positions axiales et équatoriales ne sont pas équivalentes dans des molécules comme PF5 ou PCl5 . L'interaction impliquant des doublets non liants en position équatoriale est moindre qu'en position axiale. Il en résulte une diminution de la longueur des liaisons équatoriales et un allongement des liaisons axiales.

liaison

P-Cléq

P-Clax

d (nm)

0,202

0,214

La non équivalence entre position axiale et équatoriale se manifeste également pour les doublets liants. Dans la molécule PF3Cl2, Cl est moins électronégatif que F. Le doublet assurant la liaison entre P et Cl occupe une place plus grande que celui entre P et F. On explique ainsi que l'isomère dans lequel ces atomes sont en position équatoriale soit le plus stable.

PCl5

PF3Cl2

PCl5

PF3Cl2

Pour les molécules de type AX5E comme BrF5, on observe une légère diminution de l'angle entre les liaisons (85° au lieu de 90°) et une liaison axiale plus longue que la liaison équatoriale.

 

liaison

Br-Féq

Br-Fax

d (nm)

0,177

0,168

Limites de la méthode VSEPR

La méthode VSEPR permet la plupart du temps la prédiction correcte de l'arrangement local des paires d'électrons autour d'un atome lorsque celui-ci peut être choisi sans ambiguïté comme atome central. En revanche, son application est beaucoup plus problématique quand il s'agit de prévoir la géométrie globale de molécules complexes. Ainsi il n'est pas possible de prévoir la planéité de la molécule d'éthylène ni d'expliquer pourquoi chez les allènes les substituants sont situés dans des plans perpendiculaires.

Par ailleurs les molécules ne sont pas des objets statiques. Cela est particulièrement net dans des molécules faisant intervenir des atomes pyramidaux comme NH3, PH3 . Il existe aussi des phénomènes plus complexes comme l'échange des positions axiale et équatoriale en géométrie pentagonale (pseudo- rotation de Berry).


References

R. J Gillespie et R. S Nyholm - Quart. Rev., 1957, 11, 339.
R. J Gillespie - Actualité chimique, 1973, 4, 27.
R. J Gillespie - Molecular geometry, 1972. Van Nostrand Reihold, Londres.
G. Fontaine - Bulletin de l'union des physiciens n° 591 p. 559-568.
J. Sala- Pala - Bulletin de l'union des physiciens n° 648 p. 201-244.
N. N Greenwood and A. Earnshaw - Chemistry of the elements Pergamon Press 1984.

Links

VSEPR Theorie - Caroline Röhr, Universität Freiburg
VSEPR - by M. Lerner, Oregon State University
VSEPR - by Mark Winter, University of Sheffield
VSEPR - by John J. Nash, Purdue University


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Gérard Dupuis - Lycée Faidherbe - LILLE
septembre 2000